jeudi 3 juillet 2008

Mesdames et Messieurs les Administrateurs des Conseils d’Administration et Conseils de Surveillance des caisses mutuelles locales

Membre, fondateur de la caisse locale d’Amnéville, depuis 1964, j’ai toujours défendu avec passion le principe humaniste, coopératif et mutualiste pour le développement économique face au capitalisme financier brutal et anonyme.

Aussi, ai-je créé le site touristique et thermal en me fondant sur un capitalisme municipal et en le faisant gérer par des associations (loi d’empire de 1908).

Le système coopératif du crédit mutuel, issu également du droit local et unique en France, ne pouvait que me séduire. Il y a néanmoins une différence entre le Crédit mutuel et l’entreprise amnévilloise : le patron du site thermal doit rendre des comptes aux électeurs de sa ville (43 ans de mandat de maire) et, pour les associations gestionnaires, il n’est responsable que devant ses administrateurs, personnalité morale et autonome. Il en va autrement pour les « patrons » du Crédit mutuel qui doivent rendre des comptes à plus de 7 millions de sociétaires ainsi qu’à vous, les administrateurs des 3 100 caisses locales…

Lorsque Monsieur LUCAS, Directeur général, fustige les méthodes de gestion casinotières de la Société Générale, il faut lui rappeler que cette dernière est un établissement bancaire capitaliste alors que la banque mutualiste qu'il dirige le rend, lui, responsable devant l’ensemble des mutualistes.

La méthode de développement atypique d’Amnéville, dans le cadre du droit local, devait forcément rencontrer le Crédit Mutuel comme allié.

Lorsque l’ensemble du système bancaire régional et national avait refusé de financer le thermalisme à Amnéville sous prétexte qu’un tel projet était d’avance voué à l’échec, le Président Théo Braun m’avait reçu au siège et m’avait déclaré en substance : « du thermalisme structurant de cette ampleur en plein bassin sidérurgique, doit forcément concerner notre institution mutualiste… Combien coûte la 1ère tranche ? Nous finançons… »

Hélas, Théo Braun est tombé malade. La guerre de succession a complètement éclipsé les intérêts régionaux de la banque et une direction froide, technocratique et purement financière, s’est installée aux commandes du Crédit Mutuel, après des combats acharnés en coulisses.

Depuis, cette nouvelle direction du Crédit Mutuel s’est désengagée de l’entreprise amnévilloise … et j’ai eu même à déplorer des comportements locaux que je qualifierai… d'indignes.
Contrairement à ce que des shows « grandcinématographiques » réguliers devant quelques milliers de sociétaires voudraient faire croire, la haute direction s’est enfermée dans sa tour d’ivoire…

Ainsi, c'est par un article du "Figaro.fr" que nous apprenons que le Crédit Mutuel, qui voudrait mettre la main sur le premier groupe de presse quotidienne régionale, a déjà dépensé 425 millions d’euros pour entrer au capital du groupe de presse Ebra, détenu par le groupe l'Est Républicain… La journaliste ajoute : «mais il n’en a retiré aucun bénéfice »…

De surcroît, Monsieur LUCAS accepte de transformer une créance de 128 millions de l’Est Républicain en apport d’argent frais, alors que le groupe est criblé de dettes…
La réflexion qui me vient alors à l’esprit est sans doute partagée par la grande majorité des mutualistes : « Nous, les mutualistes, nous n’avons rien à cirer des journaux de Metz, Nancy, Rhône-Alpes et autres… Nous savons tous que la presse est une mauvaise affaire financière. Laissons cela aux spécialistes. On nous dit qu’on veut restructurer l’Est Républicain comme le Républicain Lorrain… Par la "clause de cession", on verse des indemnités colossales aux meilleurs journalistes qui auraient tort de ne pas profiter de l’aubaine…

D’ailleurs, cette "clause de cession" est d’autant plus grotesque que, pour le Républicain Lorrain, le pouvoir de la famille Puhl-Demange a été transféré à 7 millions de mutualistes. Où est donc le problème de conscience ?

On ne peut pas me reprocher d’avoir été favorisé par le Républicain Lorrain : je l'ai souvent combattu… Mais je dois reconnaître que j’avais en face de moi une institution qui avait une âme, une passion, des principes et une organisation cohérente. Bref, quand je « cognais » dessus, j’avais du répondant en face.

Aujourd’hui, le Républicain Lorrain est devenu un « machin » insipide, vide de substance, sans âme, où l'on pratique "la politique du chien crevé au fil de l’eau", une attitude qui consiste à laisser venir, à vivre son métier au jour le jour… Mais le journal équilibre ses comptes après une restructuration drastique.

Il est donc urgent de vendre au plus vite le Républicain Lorrain ainsi restructuré avant que le nombre de ses lecteurs ne s’effondre dramatiquement, ceux-ci ne trouvant plus dans leur quotidien les informations locales qu’ils attendent…

Toutes ces sommes pharaoniques (425 M€, 128 M€,… on ne sait sans doute pas tout) profitent à qui ? Il aurait été plus utile, pour l’ensemble des sociétaires du Crédit mutuel, que la banque achète, par exemple, des actions de Mittal. Il aurait été beaucoup plus utile que notre banque s’implique dans la création d’une aciérie électrique nouvelle, car cela nous concerne tous ! D'autant qu'on ne prend aucun risque en investissant aujourd’hui dans la sidérurgie, la conjoncture du marché n’ayant jamais été aussi bonne.

Pourquoi donc avoir dévoyé l’objectif mutualiste en se diversifiant dans la presse ? Et si ces restructurations hasardeuses explosent en vol ? Il semble que les vautours de la presse professionnelle soient d’ores et déjà aux aguets…

Cerise sur le gâteau, on vient d’apprendre, toujours par un article du Figaro, que Monsieur LUCAS fait un procès à Monsieur LAGARDERE pour délit d’initié. Qu’est-ce donc que cette histoire ridicule ? Monsieur LUCAS a-t-il acheté les actions EADS que Monsieur LAGARDERE a liquidées ? S’il a fait une telle bêtise, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même.

Combien a-t-il donc acheté d’actions EADS et à quel prix ? Les pertes dues à ce sinistre viennent-elles s’ajouter aux investissements dans la presse ? Pourquoi Monsieur LUCAS a-t-il acheté ces actions à LAGARDERE ? Ne perçoit-on pas là comme une bizarre rivalité entre un industriel, homme de presse privé, et le représentant de notre banque, qui pourrait rêver d’être un grand homme de presse avec le pouvoir qui y est attaché.

Monsieur LAGARDERE et les autres capitaines de presse risquent leur propre argent… Monsieur LUCAS, lui, risque l’argent de plus de 7 millions de mutualistes ! On n’a pas le droit d’être mégalo avec l’argent des autres…
D'autant que si les entreprises ainsi risquées, à coup et à coût de sommes pharaoniques, pour satisfaire une soif personnelle de pouvoir médiatique sombraient dans la déconfiture, c'est notre banque qui serait menacée…

Savez-vous que Monsieur LUCAS participe aux voyages présidentiels en tant que patron de presse ?

Nous autres, mutualistes, nous n’en avons rien à faire. Je me devais de vous informer des risques que nous fait courir Monsieur LUCAS.

Personne ne pourra plus dire maintenant, si la catastrophe se produit, "on ne savait pas…"


Amnéville, le 18 juin 2008

Docteur Jean KIFFER
Conseiller Général de la Moselle
Maire d’Amnéville