Dans un courrier au parquet de Metz, une conseillère prud’homale indique comment un président de section aurait essayé de lui faire changer une délibération favorable au maire d’Amnéville. Une enquête judiciaire est ouverte.
L’embarras s’est invité à tous les étages de la rue du Cambout. Au sein du conseil des prud’hommes de Metz, peu de personnes osent évoquer « l’affaire ». « C’est tellement sérieux qu’on préfère attendre de voir ce qui se passe avant de s’exprimer », réagit discrètement un conseiller du collège employeurs.
Comme d’autres, il a entendu parler de la lettre adressée au président des prud’hommes et à l’ensemble des autorités judiciaires de Metz.
Une conseillère du collège salariés y dévoile comment, en janvier dernier, sa hiérarchie directe – un conseiller salarié président de la section «activités diverses » – aurait tenté d’influer sur une décision mise en délibéré.
« Quelques jours avant de rendre ce jugement, j’ai reçu à mon domicile un appel téléphonique du président de section qui m’a informé avoir pris connaissance du jugement, explique la conseillère. Il me précise qu’il est inadmissible que nous rendions un jugement aussi lapidaire, qui condamne des salariés du pôle thermal d’Amnéville. »
Dans ce courrier, la retraitée de la fonction publique poursuit en indiquant que ce président de section lui a demandé « avec insistance, de réunir à nouveau la composition afin qu’il soit dit aux deux conseillers employeurs que, nous, salariés, n’étions plus d’accord avec le délibéré et que le but était de faire changer la décision. »
Déstabilisée, la conseillère prévient aussitôt le vice-président du conseil des prud’hommes, Didier Clausse, pour lui faire part de son « indignation ».
Nouvelle surprise : « Il m’a confirmé être au courant des faits et m’a ensuite précisé que je devais me plier à la demande du président de section, car il est inadmissible qu’un conseiller salarié donne tort à des salariés. »
Malgré ces pressions supposées, le jugement n’a pas été modifié.
Défavorable à quatre employés du pôle thermal d’Amnéville, il a été rendu le 19 janvier, les condamnant à verser 90 000 € de dommages et intérêts à l’association du pôle du D r Kiffer.
Le vice-président nie
Contactée hier, la conseillère, en fonction depuis 2003, indique « tout assumer. Ce qui s’est passé ne correspond pas à mon éthique professionnelle, à ma morale et à l’idée que je me fais de mon devoir professionnel. Ma démarche a pour but que plus jamais, il n’y ait ce genre de manipulations très graves. »
Si elle n’a pas porté plainte, elle a demandé au président du conseil des prud’hommes de prendre des mesures (lire ci-dessous).
La théorie du complot
Didier Clausse, le vice-président ainsi mis en cause, explique de son côté n’être pas au courant de cette affaire : « Je n’ai pas été destinataire de ce courrier apparemment envoyé à plein de monde.
En revanche, ce qui est certain, c’est que je suis attaché à l’autonomie des conseillers et que pour moi, il n’y a jamais eu de pressions aux prud’hommes. »
Dans cette histoire, la seule personne satisfaite s’appelle Jean Kiffer. Informé du problème, le maire d’Amnéville a déjà déposé plainte auprès du procureur de la République pour intimidation, pression, extorsion, escroquerie à l’encontre d’un magistrat et pour violation du secret du délibéré.
Condamné près d’une centaine de fois aux prud’hommes par le passé, l’élu espère que « l’ensemble des procès soient révisés. Cela fait longtemps que je dénonce le complot qui me vise.
Cette fois, il explose sur la place publique.
Par ces jugements partiaux, ils ont détourné des centaines de milliers d’euros de l’entreprise amnévilloise : je compte bien qu’ils lui soient restitués. »
Kevin GRETHEN
Le Républicain Lorrain