mercredi 28 avril 2010

VALEURS ACTUELLES - 24.04.2010

La vie est là

Christine Clerc le jeudi, 22/04/2010

[..] Uckange (Lorraine). À l’entrée du U4 veille un chevalier immobile à casque d’or. En armure et bottes d’amiante, il tient dans ses mains gantées, en guise d’épée, une longue cuiller avec laquelle recueillir quelques gouttes de métal en fusion. C’est un mannequin. Encerclé de passerelles pour touristes, le haut-fourneau où des milliers d’hommes produisirent de l’acier français est éteint. Ses entrailles sont éclairées par une kyrielle de lampes rouges qui fait penser à une oeuvre de Boltanski. Mais le plus frappant, c’est le silence. Je me souviens de ma première visite à Pont-à-Mousson : le grondement énorme de la centrifugeuse, la gerbe de flammes jaillissant dans un terrible fracas, les cris des hommes casqués, le roulement infernal des chariots… Depuis, 25 000 emplois ont été supprimés. Les usines deviennent des musées.

Metz. Avant l’inauguration du premier centre Pompidou régional, la capitale lorraine s’est fait une beauté. Le soleil chauffe les ocres des édifices XVIIIe, les trompe-l’oeil jouent avec les cerisiers en fleur, les minibus jaunes virevoltent autour de l’imposante cathédrale. Dans les jardins de l’Esplanade, le Lièvre chef d’orchestre et le Cheval au pré de la sculptrice Florence de Ponthaud forment une escorte ludique au couple de branches et de bronze Roi et Reine que Nicolas et Carla Sarkozy seront tentés d’emporter. Malgré les 17 kilomètres de sa charpente extraordinaire, imaginée par les architectes Jean de Gastines et Shigeru Ban, le nouveau Beaubourg aura à peine dépassé son devis (70 millions d’euros). Ce sera une satisfaction pour le président de la République. Devant le grand Matisse la Tristesse du roi qui l’accueillera le 11 mai, il pourra se réjouir que, dans une région industrielle sinistrée, ce beau projet culturel ait pu être mené à bien. Bientôt, par le TGV qui le met à une heure vingt de la capitale, des milliers d’amateurs d’art apporteront ici une prospérité nouvelle.

Une pensée pour le colonel De Gaulle, nommé ici en 1937 à la tête d’un régiment de chars, et si heureux de faire repeindre ses blindés et de baptiser chacun du nom d’une victoire – Bouvines, Austerlitz. Une pensée aussi pour Verlaine, qu’il aimait tant : « Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là… »

Avec humour et tendresse, le préfet Bernard Niquet évoque le temps où, à l’Élysée, il accompagnait Bernadette Chirac. Depuis, il a été en poste à Versailles, puis à Poitiers. Le voici préfet de la sixième région de France. Une belle promotion même si, comme dans Bienvenue chez les ch’tis, ses amis ont cru qu’il partait vers des cieux noirs, de longs hivers glacials, des Lorrains austères… Avec sa femme Martine, qui reçoit chaleureusement ce soir une douzaine d’artistes, Niquet s’emploie à démentir cette réputation.

Nous parlons d’Amnéville, le prodigieux parc de loisirs créé, entre Metz et Thionville, sur un ancien crassier, et qui s’étend maintenant sur des kilomètres de forêt: des centres de fitness, un golf, 12 salles de cinéma, un zoo géant, un musée de paléontologie avec de vrais dinosaures, une salle de concert grande comme Bercy, des pistes de ski et, bientôt, la fosse de plongée la plus profonde du monde! Autant de projets qui obligent parfois le préfet à se gendarmer contre le génial créateur du site, le Dr Jean Kiffer. Mais ce maire mégalo d’une bourgade baptisée par les Allemands en 1902 Stalheim (“foyer de l’acier”) a créé 2000 emplois et attiré, l’an dernier, plus de 6millions de visiteurs français, belges, luxembourgeois, italiens et allemands. Il se moque de la crise.

Christine Clerc

1 commentaire:

montagmitsohne a dit…

Le ciel est, par-dessus le toi,
Si beau, si calme!
Un arbre, par-dessus le toi,
Berce sa palme.

Mon Dieu, Mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Extraits: Paul Verlaine (Sagesse)

L'article de Christine Clerc dans sa partie consacrée à Amnéville vous Honnore cher Docteur, eh bien , il était temps! enfin
la presse relève et révèle votre ingéniosité.